BlogL’esport en question #6 : Les métiers de l’esport

Si ce que l’on retient de l’esport ce sont principalement ses événements marquants, ses finales endiablées, ses performances incroyables et ses cashprizes gargantuesques, il ne faut pas oublier que tout ceci ne serait pas possible sans les nombreux travailleurs impliqués dans ce secteur. Les métiers liés de près ou de loin à l'esport sont nombreux et dépendent de ce que chaque événement implique en termes de réalisations. L’objectif n’est donc pas forcément d’être exhaustif, mais de vous proposer un tour d’horizon de toutes une série de métiers qui font de l’esport ce qu’il est aujourd’hui.

Par Olivier Fortz

Pour bien débuter cette découverte de l’aspect professionnel de l’esport, nous allons devoir segmenter le secteur en divers catégories de métiers, qui organisent les différentes composantes du secteur de l’esport. Pour que le secteur fonctionne à son plein potentiel, il faut faire fonctionner 4 dimensions différentes : l’organisation des compétitions, la diffusion des compétitions, l’animation des compétitions diffusées et enfin la compétition en tant que telle. Chacune de ces dimensions nécessite certains métiers que nous allons passer en revue.


La dimension organisatrice des métiers de l’esport ressemble fortement à l’organisation d’autres événements mais possède tout de même certaines particularités. Les traditionnels chefs de projet, directeurs d’événement ou encore comptables peuvent s’y retrouver, généralement associés sous la forme d’agences événementielles. Les métiers techniques prennent cependant ici une dimension toute autre. Que ce soit l’installation du matériel des joueurs ou la gestion du réseau, il est plus qu’important que les athlètes soient dans des conditions idéales pour performer au plus haut niveau. Ces dimensions techniques nécessitent donc des professionnels, spécialisés dans la gestion de ces aspects invisibles aux yeux du public. Enfin, au sein des studios éditeurs de jeux compétitifs, il existe généralement des salariés chargés de la gestion des ligues compétitives. Leur rôle peut être directement celui d’organiser les tournois si l’éditeur décide de s’en charger, ou bien de rester en contact avec les différents organisateurs à travers le monde afin de coordonner la compétition pour que celle-ci corresponde aux envies de l’éditeur, qui reste seul propriétaire des droits de son jeu. Il y a ici un véritable enjeu dans le fonctionnement du secteur. En effet, les éditeurs possèdent légalement les droits de leurs jeux, ils ont donc le droit de décider comment se déroulera le circuit compétitif entourant leur jeu. Pourtant, leurs impératifs économiques d’éditeurs ne sont pas toujours en accord avec les envies du public quant à la scène compétitive d’un jeu. La scène compétitive de Supers Smash Bros (Ultimate et Melee) était ainsi un bon exemple de cet enjeu : durant de nombreuses années, les tournois organisés n’étaient pas officiels et s’exposaient aux poursuites judiciaires de l’éditeur Nintendo. Quand l’éditeur japonais s’est enfin décidé à soutenir officiellement un circuit, ils ont choisi la Panda Cup, un circuit uniquement américain. Cet événement a fortement déçu les joueurs du monde entier qui soutenaient fortement le Smash World Tour, circuit mondial en place depuis plusieurs années et organisé par des fans, pour des fans. On peut également noter que l’implication d’un éditeur dans un circuit peut également fermer la porte aux tournois qui ne correspondent pas aux impératifs que celui-ci impose ou aux tournois pouvant faire de l’ombre aux tournois “officiels”. On peut ainsi citer Riot Games, éditeur de League of Legends et Valorisant, deux jeux compétitifs majeurs, qui s’impliquent énormément pour organiser eux-mêmes leurs ligues mais qui empêchent l’organisation de tous les tournois qui ne correspondent pas à leurs attentes. Electronic Arts n’est pas en reste car on a souvent vu des petits tournois sur des jeux comme Fifa être annulés, sous prétexte qu’ils feraient de l’ombre aux tournois officiels de l’éditeur. Deux positions s’opposent donc : d’une part, celle des éditeurs qui défendent leurs droits intellectuels et celle des organisateurs passionnés qui veulent simplement pouvoir créer des expériences mémorables pour la communauté dont ils font partie.


Une fois la compétition organisée, il faut pouvoir la diffuser auprès du public. Dans le domaine de l’esport, la diffusion des compétitions s’organise généralement sur des plateformes de diffusions en ligne comme Twitch et Youtube. Les éditeurs possédant les droits de diffusion de leurs jeux, ce sont eux qui vont décider par qui peut-être diffusée la compétition. Si le modèle classique est celui des chaînes directement liées à la ligue, avec certains partenaires achetant les droits pour les diffuser dans leur propre langue, un nouveau modèle fait de plus en plus son apparition. L’esport se construisant autour de communautés d’influenceurs, de plus en plus de droits de diffusions sont rachetés par ces mêmes influenceurs afin de co-diffuser les matchs de leur équipe. Au sein du tournoi de League of Legends Européen par exemple, la team KOI et la Team Heretics auront le droit de diffuser les matchs de la ligue en espagnol sur leurs propres réseaux. Dans le cas de KOI, cette diffusion est d’autant plus particulière parce qu’elle a lieu directement sur la chaîne de l’influenceur Ibai Llanos, streamer majeur en Espagne et détenteur partiel de l’équipe. Maintenant que la question des droits est réglée, il faut s’atteler à la diffusion des images. Pour ce faire, il faut réunir différents corps de métiers : des cadreurs pour gérer l’image des éventuels plateaux, des ingénieurs du son, des régisseurs, bref tous les métiers nécessaires à toute diffusion de contenu vidéo. Dans le cadre de l’esport, il existe un rôle particulier : celui de “l’observateur”. Son rôle est simple: il est chargé d’observer la partie en cours et les différents points de vue disponibles afin de sélectionner le plus intéressant à montrer à un moment X. En effet, certains jeux ne permettent pas de profiter de l’ensemble des actions de la partie en même temps. Il est donc important qu’une personne extérieure puisse décider où placer la caméra, ou quel point de vue de joueur sera montré à l’écran, afin de ne rater aucune action importante.

Une diffusion agréable ne passe pas simplement par le partage des séquences de jeu mais également par une animation agréable, qui amène non seulement du divertissement mais également de l’analyse. Les métiers liés à l’animation sont généralement assez proches de ceux du sport traditionnel qui sert parfois de modèle aux commentateurs. Le métier principal est donc celui de commentateur, à savoir les personnes qui commentent en direct les matchs, qui expliquent aux spectateurs ce qui se passe à l’écran. Ensuite, nous pouvons citer les rôles dits “de plateau”, qui prennent place entre les matchs. Ce sont ceux qui vont analyser les parties avant qu’elles aient lieu et après leur déroulement, afin d’en comprendre les enjeux et le déroulement. Sur un plateau, il y aura donc généralement un host qui se charge de distribuer la parole et de rester en contact avec la régie afin de respecter les timings, et des analystes qui apportent leur expertise sur différents sujets liés à la compétition. Enfin, à côté de ces métiers directement liés à la compétition en elle-même, on peut également considérer les journalistes qui proposent des interviews des joueurs afin d’avoir leur avis sur le déroulement du match ou de la saison en cours.


La dernière dimension importante est celle liée à la performance. Evidemment, il n’existe pas de pratique compétitive du jeu vidéo sans compétiteurs ! Le métier principal est donc celui de joueur, qui est au centre de tout le secteur, comme dans un sport comme le football. Ce sont eux qui font parler leur talent et leur travail aux seins des différents tournois auxquels ils participent afin de les remporter. Comme dans le sport traditionnel, ces joueurs sont généralement accompagnés de coach. Ceux-ci gèrent les emplois du temps des joueurs, organisent leurs entraînements ou encore trouvent des adversaires avec qui s’entraîner en conditions réelles. Pour accompagner les coach, il existe un rôle propre aux jeux vidéos : les data analyst. Certains jeux évoluant constamment avec des mises à jour équilibrant les différents personnages et toutes les stratégies qui existent afin que le jeu soit toujours agréable à regarder et qu’il propose une véritable diversité d’expériences. Le rôle des analystes est donc de récolter les données des joueurs partout à travers le monde, ainsi que d’analyser les données des différents changements que le jeu subit semaine après semaine, afin de proposer au coach et aux joueurs les meilleures stratégies pour l’emporter. Les joueurs peuvent également être accompagnés de manager, qui gèrent leur emploi du temps et leurs contrats, ou encore de community manager qui s’occupent de gérer leur communication.


Enfin, au-delà des métiers directement liés à l’esport, on peut citer les métiers qui gravitent autour de ce secteur. On peut par exemple citer les streamers et autres influenceurs, qui partagent du contenu vidéoludique et favorisent la création de communautés de passionnés. Certains d’entre eux deviennent même des ambassadeurs pour des équipes d’esport, mettant en avant celle-ci au travers de leur contenu. On peut également parler des journalistes qui mettent en avant les joueurs, équipes, compétitions au travers de leurs articles. Pour terminer, il existe un dernier secteur que l’on peut lier à l’esport : le secteur de la création de jeux vidéo. Game designer, programmeur, graphic designer, éditeurs, level designer, tous ces métiers sont nécessaires à l’esport car ce sont eux qui créent et définissent les terrains de jeu sur lesquels s’affronteront les joueurs.


Ce tour d’horizon des métiers de l’esport touche à sa fin. Évidemment, cet article n’a aucune ambition d’exhaustivité ou d'encyclopédie des métiers liés au secteur de l’esport. Cependant, nous espérons que vous y voyez désormais un peu plus clair sur le fonctionnement de ce secteur, les rôles que chacun peut y jouer et l’énergie que peut demander une compétition réussie.